Ball Theater - La fête n’est pas finie est le projet sélectionné pour représenter la France, lors de la 18ème Exposition Internationale d’architecture – La Biennale di Venezia 2023 (20 mai - 26 novembre 2023).
Le Ball Theater est une installation conçue pour réveiller nos désirs d’utopie. Sa forme hémisphérique convoque de multiples images. On peut l’interpréter à la fois comme un globe terrestre ou une boule à facette, icône kitsch d’une époque où la fête était encore possible. Cet imaginaire de la fête suggère une nouvelle approche des crises actuelles, mettant l’accent non plus sur l’urgence mais sur la possibilité d’imaginer des ailleurs. Il se manifeste pendant la durée de la biennale par une occupation du théâtre alternant entre des moments de contemplation, dans un monde sonore composé de voix étranges et lointaines, et des périodes d’intenses occupations prenant la forme de « bals », des résidences spectaculaires où s’entrecroisent artistes, chercheurs et étudiants.
L’architecture du théâtre se situe à mi-chemin entre la structure et le décor. Elle assume cette dimension scénographique afin d’accueillir, comme un véritable théâtre, une scène, une troupe et un public. Son image reste néanmoins ambivalente en croisant des images aussi contradictoires que celles de la capsule futuriste et de la cabane primitive. Elle compose ainsi avec nos sentiments contrastés d’espoir et de nostalgie. Nos désirs de reconstruire ce futur qui appartient au passé, en recyclant une foule d'objets trouvés.
Le théâtre n’apporte donc pas tant de réponses qu’elle soulève des questions. Quelle est l’origine de cette demi-sphère ? Qui l’habite ? A quoi sert-elle ? Comment a-t-elle pu entrer là ? Que racontent les fragments de voix, de chuchotements et d’interférences radiophoniques qui émanent de ses haut-parleurs ? Vient-elle d’atterrir ou s’apprête-elle à décoller ? Ces questions sont celles que nous nous posons dans un mode incertain. Faut-il atterrir ou décoller ? Faut-il se rapprocher des choses, créer de nouveaux collectifs, effacer les distances et les distinctions, ou à l’inverse s’élever et prendre de la distance ? Comment choisir ? Comment réinventer notre rapport à ce monde en quête de futur ?
Un espace invisible de trajectoires sonores relie la demi-sphère et tous les objets qui l’entourent. Cet espace sonore évolue au fil du temps. Les voix, les chuchotements, les interférences radiophoniques qui le composent forment un proto-langage abstrait, non verbal, qui précède les mots et encourage de nouvelles formes d’attention.
L’installation est complétée par un roman-photo qui souligne la part fictionnelle de l’installation en retraçant l’odyssée de la demi-sphère dans un paysage de ville abandonnée où ne vivent plus que des enfants et des robots. L’histoire révèle comment elle a été construite, la provenance des objets qui l’entourent et sa destination.
L'installation sonore
Un espace sonore invisible relie tous les objets de cette installation entre eux. Cet espace, imaginé par le compositeur Pilooski (Cédric Marszewski), Alain Français et Thomas Fourny évolue au fil du temps. Les voix, les chuchotements, les interférences radiophoniques qui le composent, forment un proto-langage abstrait, non verbal, qui précède les mots et encourage de nouvelles formes d’attention.
Au sein de l’équipe de conception, le Studio Muoto et Georgi Stanishev assurent le commissariat général du Pavillon avec Jos Auzende, commissaire associée. L’atelier Clémence La Sagna et Georgi Stanishev assure la dimension scénographique de l’installation.
Le Ball Theater accueille un programme de résidences-ateliers artistiques, scientifiques et pédagogiques, ce programme est conçu et coordonné par Jos Auzende et Anna Tardivel. L’installation sonore permanente est conçue par le créateur de musique électronique Pilooski (Cedric Marszewski) et mise en espace par les ingénieurs son Alain Français et Thomas Fourny.
Les bals : occupations spectaculaires durant la biennale
La vie du Ball Theater alterne entre des temps de contemplation et d’occupation. Le premier temps est celui de la vie ordinaire de la Biennale où les visiteurs traversent son paysage sonore fantomatique. Le second est celui des « bals » où la notion de fête n’est plus métaphorique mais littérale et concrète. La programmation des bals fait résonner les questions actuelles sur la fragilité de la planète, sur notre héritage colonial et sur nos représentations d’identité, de norme et de genre. Le Ball Theater réunit ainsi deux imaginaires, celui de l’utopie et de la fête, autour d’un point commun : la quête d’émancipation collective.
La Ball Culture : un imaginaire de la fête et de l’émancipation
Le Ball Theater tire son nom du mot ball qui désigne en anglais un objet sphérique—balle, boule, globe, ballon—, ainsi qu’un évènement ou l’on danse. Les bals sont des résidences qui s’inspirent de l’histoire de la Ball Culture, née a Harlem à New York dans les années 20—30 où les balls étaient des espaces utopiques, de résistance, de danse et de fête pour les communautés LGBT africaine—américaine et latino en réponse au racisme et à l’homophobie. Dans les années 1960 et 1970, les ballrooms deviennent des lieux de sociabilité gays et lesbiens, où les participants, organisés en houses, défilent dans des compétitions, sur des musiques heurtées et synthétiques. Elles s’érigent comme des lieux d’émancipation et de revendication identitaire. Cet imaginaire de la fête se développe historiquement au moment où les grandes utopies politiques s’effondrent, comme pour compenser la fin du désir d’ailleurs.
Résidences-ateliers spectaculaires
Dans le cadre de la biennale, les bals désignent des résidences-ateliers spectaculaires ouvertes au public et programmées une semaine par mois. Les bals offrent l’opportunité à des équipes pluridisciplinaires - artistes, chercheurs, étudiants - , d’habiter le théâtre, de l’occuper et de le transformer en catalyseur d’imaginaires. Chaque bal permet à de nouveaux occupants de prendre possession des lieux, de travailler et d’expérimenter des relations originales avec le public. Durant ces résidences, les occupants mobilisent voix, corps, musique, image, texte pour s’adresser à des visiteurs qui sont tantôt témoins, tantôt complices, invités à prendre part à la mise en scène. L’expérience est semblable à la découverte des coulisses d’un théâtre, donnant la sensation d’assister à une répétition à huis clos. Les bals croisent les disciplines et sont l’occasion de rapprocher des domaines comme l’art, l’architecture et la recherche. La programmation est conçue pour animer les six mois de la biennale.
Présentations des bals
You betta talk to me nice, le bal interlope
17-19 mai 2023
Par Vinii Revlon, avec Mariana Benenge et Missy NRC, danseuses de la House of Revlon, et par Tata Foxie et la Déliche
Le Ball Theater ouvre le bal avec un double hommage à l’histoire des bals interlopes et du voguing, comme espaces d’utopie et d’émancipation. En réponse à l'homophobie et au racisme de la société américaine des années 20, les communautés afro-descendantes et latino créent leurs propres bals. Entre défilé de mode, concours de danse et performance, chacun s’affronte et ose exprimer ce qu’il-elle est vraiment. Dans un mouvement similaire, au début du XXe siècle à Paris, des carnavals et des bals interlopes animent la scène “invertie” parisienne. Au début du XXIe siècle, on l’appelle la scène drag. À Venise, la “légende” du voguing français Vinii Revlon, fondateur de la House of Revlon, accompagné de ses membres, Mariana Benenge, chorégraphe et danseuse de waacking, et Missy NRC, danseuse de Hip-Hop New Style, invitent le public à prendre part aux préparatifs, à s’initier à ces danses de rue et de club et à leurs cultures très codifiées, synonyme de fête et de revendication politique, tandis que Tata Foxie et La Déliche, deux créatures, citoyennes queer de la société évoluée et égalitaire du Ball Theater, reviennent sur l’histoire utopique des bals interlopes, du travestissement, du transformisme, du passage de la clandestinité à l’émancipation inclusive.
Earth / Ball / Theater, le bal de la Terre
26-30 juillet 2023
Par Frédérique Aït-Touati (compagnie Zone Critique). Avec Maya Boquet, Emanuele Coccia, Esther Denis, Duncan Evennou, Madeleine Fournier, Olivier Normand, Alvise Sinevia. Avec le soutien du MAIF Social Club.
C’est l’histoire d’une communauté qui essaie d’habiter un lieu, en y préparant une fête. Le bal de la Terre est une performance conçue pour et avec le public, à partir de danses et de musiques de bal : rondes, valses, bourrées, tarentelles, tangos... À travers un répertoire de danses populaires empruntées à différentes époques et lieux, la performance explore ce que ces danses disent de notre relation à la Terre. Dans les traditions populaires, la danse et la fête sont souvent liées à des phénomènes terrestres : saisons, appels à la pluie, célébrations des cycles de la vie et de la mort, rituels de soin et de guérison, cycles géologiques et bouleversements du monde. La tarentelle, par exemple, est une danse de désenvoûtement d’une morsure venimeuse de tarentule et remède pour la soigner. Ballare en italien signifie danser, mais aussi tanguer, osciller, trembler, rouler ou chavirer. Le bal de la Terre c’est la Terre qui chavire et sort de son orbite, qui s’émeut autant qu’elle se meut. Si aujourd’hui la Terre tangue, quelle danse et quelle musique inventer avec les êtres qui la font ? En renouant avec la tradition des grands bals populaires, le Bal de la Terre évoque cette communauté terrienne qui oscille entre des émotions contradictoires : la joie d’exister et la nostalgie des paysages qui disparaissent (la solastlagie), le vertige de danser et celui de sentir la Terre se soulever.
Earth / Ball / Theater, le bal de la Terre
Radio Utopia, le bal des sonorités
1-5 août 2023
Par Nicolas Tixier, laboratoire AAU, Equipe Cresson, ENSA Grenoble et Carlotta Darò, laboratoire LIAT, ENSA Paris-Malaquais, supporté par Translitteræ-Université PSL
Durant cette semaine, le Ball Theater est transformé en véritable studio de radio ouvert au public. Captant et diffusant différents types d’extraits sonores, cette antenne radio connecte le théâtre radiophonique à de nombreux partenaires français et étrangers, territoires, institutions, chercheurs, artistes et acousticiens. Sa programmation évolue pendant la semaine avec une série d’émissions enregistrées en live intitulées « Nouvelles du monde », des installations in situ et la possibilité de pouvoir déambuler dans l’espace intérieur et extérieur du pavillon avec des mini diffuseurs de sons venant de tous horizons, recueillis par un appel à contributions. Ce laboratoire du son propose une plateforme expérimentale pour mieux saisir notre temps, apprendre à écouter autrement et rendre audible des voix nouvelles venues d’ici et d’ailleurs. Ce programme est supporté par le Réseau International Ambiances, B_AIR—Art Infinity radio / Creative Europe, Ecole Supérieure d’Art Annecy Alpes, D-ARCH ETH Zurich, Radio France Internationale.
Echotopy, le bal des voix
13-17 septembre 2023
Par Violaine Lochu avec Yannick Guédon et Anne-Laure Pigache
Voix chantée, murmurée, chuchotée, grognée, roucoulée, hurlée... Tous les registres sont convoqués pour inviter à penser notre relation à l’environnement, non dans un rapport d’extériorité réciproque, mais de continuité, au-delà d’un rapport entre vivant ou non vivant, animé ou inerte. Ici, ce n’est plus chanter à propos d’un lieu ou d’un paysage, mais s’inscrire dans un devenir-paysage, un devenir-montagne, un devenir-fleuve comme dans les pratiques animistes, celles des joïks samis ou dans la peinture chinoise classique. Au Ball Theater, accompagnée de deux chanteurs-performeurs, l’artiste performeuse Violaine Lochu présente une série de polyphonies qui mettent en jeu et en voix, partitions et recherches improvisées in situ, dans un temps court avec le public. À partir d’un protocole spécifique, il s’agit de tracer les contours d'une « échotopie ».
Les bals des écoles
The joy of tilting
14-17 octobre 2023
Par Can Onaner et Mathilde Sari avec les etudiant.es de l’ENSA Bretagne (atelier de projet de master « Architecture de la Foule »), Johanna Rocard, Damien Marchal et le collectif Synopsis, en partenariat avec EUR-Caps
Réfléchir à notre monde en crise à travers un mode de pensée mythique peut être l’occasion d’une authentique re-création où l’ensemble du monde social, culturel et naturel est repensé sans culpabilité, sans peur, avec joie. L’atelier « Architecture de la foule » de l’ENSAB, Johanna Rocard, Damien Marchal et le collectif Synopsis proposent de s’immiscer à l’intérieur du Ball Theater pour en faire le laboratoire d’un univers mythique : celui d’un basculement joyeux ritualisé. Basculements du sommeil à l’éveil, du poids à la légèreté, de l’équilibre au déséquilibre, de l’ordre à l’informe, du calme à la révolte, de la peur au courage. Basculements d’un état à l’autre, individuels ou collectifs, physiques ou psychiques. Des affiches, des paroles, le mouvement des corps, et des sons, sont autant de dispositifs matériels et symboliques inventés sur place, qui constituent les rituels propres au Ball Theater.
Les bals des écoles
After the revolution
17-21 octobre 2023
Par Xavier Wrona, Manuel Bello Marcano et Cédric Libert avec les etudiant.es de l’ENSA Saint-Etienne
En 2015, la chaine de télévision architecturale After the revolution avait été créée durant la biennale de Chicago pour une durée de dix émissions. Elle proposait d’analyser le néolibéralisme comme un processus révolutionnaire mondial conservateur et accompli. Une architecture totale, ayant été imposée par le nouvel ordre mondial de l’économie de marche. Dans le cadre du Pavillon français de La Biennale di Venezia, Ball Theater, les étudiant.es de l’atelier master 1 Architecture as a Political Practice de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne, réactivent ce travail de pensée collective des relations entre l’architecture et les phénomènes révolutionnaires sous la forme d’une radio : After the revolution radio. S’inspirant du travail d’enquête micro-trottoir Comizi d’amore réalisé par Pier Paolo Pasolini (1964) sur les questions de sexualité dans l’Italie des années soixante-dix, les étudiantes et étudiants mèneront, auprès des nations présentes dans les pavillons de la biennale, un travail d’enquête et de documentation sur l’ambivalence des processus révolutionnaires. Car il est difficile d’imaginer que les révolutions seront absentes des phénomènes nécessaires à l’arrêt de l’écocide généralisé en cours.
Prospect Station, le Bal des Novums utopiques
19-26 novembre 2023
Par Alice Carabédian, Fanny Lopez, avec la collaboration de Claire Rose Barbier, Marthe Drucbert, Caroline Gallez, François Gendre, Anne-Laurence Rault et leurs étudiant.es, en partenariat avec l’Université Gustave Eiffel
« Il faut savoir danser » disait Farkas Molnar décrivant les célèbres soirées costumées du Bauhaus. Parce que le corps est au centre du bal et que le Ball Theater est la scène centrale du pavillon, Prospect Station ambitionne dans une dynamique de recherche-création de penser et créer une série de costumes architecturaux, techniques, portatifs, actionnables, mécanisés et science-fictionnés. En contexte d'urgence environnementale, l'utopie permet de renouveler les imaginaires sociotechniques. Croisant la pratique artistique, les champs théoriques de l’architecture, la science-fiction et l’histoire des techniques, chaque costume incarnera une problématique architecturale, technique, environnementale. Un catalogue présentera les notices illustrées de fabrication et d’utilisation des costumes. Entre innovation high-tech et réflexivité low-tech, ces costumes natureculture seront autant d’objets-récits, pivot d’une réflexion sur les rapports entre technique, environnement et façons d’habiter le monde.
Mardi 21 novembre
11h : conférence La science-fiction, vaisseau de l’Utopie radicale, Alice Carabédian
15h : workshop montage costumes
Mercredi 22 novembre
11h : conférence Architecture et utopies techniques, Fanny Lopez
15h-17h : workshop montage costumes
17h-18h : CosmoDéfilé
Jeudi 23 novembre
14h-17h : atelier d’écriture fiction notice
17h-18h : CosmoDéfilé
Vendredi 24 novembre
11h-13h : atelier d’écriture fiction notice
17h-18h : CosmoDéfilé
Samedi 25 novembre
10h : Conférence Les fictions de l’architectures, Dominique Rouillard
15h-16h : Discussion Projeter des utopies avec Alice Carabédian, Gilles Delalex, Georgi Stanishev architectes et commissaires du Ball Thearter
17h-18h : CosmoDéfilé
Lorem ipsum
Lorem ipsum est une fiction architecturale qui prend la forme d’un roman-photo, né de la rencontre entre un auteur, Ugo Bienvenu, et les architectes du Pavillon français de la 18e Exposition Internationale d’Architecture - La Biennale di Venezia. Ugo Bienvenu, dessinateur et réalisateur, imagine dans ce roman l’histoire et le mythe du Ball Theater. Son récit se situe dans un monde suspendu entre passé et futur, qui mêle le trouble de l’abandon et la joie d’une fête collective. L’histoire nous conduit à travers le périple d’une petite communauté d’enfants étrangement semblables et d’un robot rouillé, et de leur découverte d’objets énigmatiques qu’ils entreprennent d’assembler pour leur redonner vie. Le titre Lorem ipsum vient d’un extrait, remanié et privé de sens, d’un traité latin. Il fait référence à la pratique courante, dans le milieu du graphisme et de l’imprimerie, qui consiste à employer ce texte comme remplissage temporaire des zones de texte en attente. Dans le contexte de l’ouvrage, l’association de ces deux termes latins renvoie à l’idée d’un conte architectural dont le sens émerge au fil de l’action, avant les mots et les explications.
Lorem ipsum, Ugo Bienvenu—Remembers Studio.
Editions Caryatide, 72 pages illustrées en couleur.
Commander le roman-photo
Pavillon français de la 18ème Exposition Internationale d’Architecture – La Biennale di Venezia
Ball Theater - La fête n’est pas finie
- Du 20 mai au 26 novembre 2023
- Journées professionnelles : 18 et 19 mai 2023
- Adresse : Giardini Sestier Castello 30122 Venezia
- Site internet : www.labiennale.org/en/architecture/2023